La réception de Nietzsche en France est un sujet classique - voire routinier - pour de nombreuses disciplines, habituées à réaliser ce type d'exercice chacune avec les procédures et les outils qui lui sont propres. Un rapide regard sur les travaux portant sur ce thème montre d'ailleurs que c'est "un champ" très labouré, particulièrement depuis les années 1990.
Après avoir rassemblé les matériaux sur les traces de Nietzsche en France, démarche qui correspond traditionnellement à une des premières étapes essentielles de toute démarche scientifique en vue de l'élaboration d'une problématique, il ne serait pas difficile de faire apparaître que, paradoxalement, c'est un champ mal défriché. Cependant, il est beaucoup moins intéressant de poser le problème en terme de "manque" que de s'interroger sur la réelle difficulté d'articuler un corpus et un objet. Dans cette perspective, il faudrait cesser de faire comme si penser "Nietzsche en France" allait de soi et ne demandait pas un effort de construction et d'explicitation.
Lieu de questionnement et de recherche de pistes, cet espace sera consacré à cet effort théorique sans perdre de vue les questions empiriques "simples" auxquelles une histoire doit essayer de répondre pour ne pas laisser le champ libre aux suppositions hasardeuses et aux extrapolations douteuses qui transforment l'histoire d'un dialogue en apologie d'une conquête, qui dressent des frontières pour l'examen d'un transfert culturel, qui participent à la confusion entre histoire de Nietzsche à l'échelle nationale et histoire nationale de Nietzsche...
On trouvera ici moins le fruit que le déroulement d'une réflexion autour d'une question simple dont il s'agit d'éclairer la complexité tout en cherchant des pistes de réponse, c'est-à-dire sans renoncer au défi de trouver une réponse à la question telle qu'elle est posée. Comme chaque lecteur pourra le constater, il ne s'agit pas là d'une simple précaution oratoire ni d'un préambule convenu mais bien du parti-pris d'entrouvrir la porte d'un laboratoire.
Il est important de définir ce qui motive la collecte de nourvelles sources et ce qu'elles peuvent apporter: une meilleure précision d'un objet bien connu ou une redéfinition de l'objet?