C'est la philosophie de Nietzsche, la philosophie du Surhomme qui foule aux pieds tout scrupule de la conscience comme toute émotion du cœur. C'est bien l'esprit de l'Antichrist ; et c'est pourquoi la guerre que nous faisons est une guerre sainte.
"Nouvelles et faits divers", in L'espoir du monde, janvier 1915
(...) la nation de proie a reculé devant cette falsification intellectuelle qui eut consisté à chercher dans Zarathoustra une approbation anticipée de ses entreprises de piraterie.
Pourtant, en France, de bons esprits se sont trouvés qui ont cru voir, dans la façon dont les Allemands font la guerre, une application des méthodes nietzschéennes. C'est, selon eux, la "volonté de puissance" mise au service de l'Etat germanique, qui a engendré toutes ces horreurs, toutes ces dévastations. Guerre scientifique et impitoyable! Guerre barbare! Guerre de surhommes!... Le vilain mot est lâché et c'est bien ce vilain mot qui a donné lieu au plus singulier des malentendus.
Henri Albert, "Nietzsche contre les Barbares", in L'Opinion, 23 janvier 1915
Mais il faut bien constater que, si l'on a incriminé à tort des penseurs comme Gobineau, M. Vacher de Lapouge et même Nietzsche, qui ont pu être mal compris sans qu'il y eût de leur faute, M. Chamberlain au contraire a une part certaine de responsabilité dans la réalisation actuelle de ces théories, qu'il a résumées et propagées. S'il n'en a pas prévu les conséquences, c'est donc qu'il ne s'est pas compris lui-même. C'est une excuse pour l'homme, mais un désastre pour l'écrivain.
Paul Souday, "Houston S. Chamberlain: La genèse du XIXe
siècle", in Le Temps, 2 février 1915
L'explication des atrocités allemandes ne se trouve pas seulement dans un militarisme affolé d'orgueil ; elle se trouve dans le type des pédants teutons. La jeunesse germanique s'est assimilé l'orgueil nietzschéen ; comme elle respecte le pas de parade, - elle respecte ces paroles de Nietszche : « L'homme n'a - qu'un but, triompher, être le maître, faire ce qu'il veut, dominer les autres en leur imposent sa propre conception. Peu importent les moyens employés ; peu importent les victimes laissées sur la route ! Le surhomme est celui qui déterminera les croyances de toute une époque, la forme d'une civilisation, insoucieux du bi-en et du mal, de la vérité et de l'erreur. Il crée sa vérité, il crée sa morale. »
Cette doctrine, qui plonge dans une extase béate les potaches teutons et qui les transforme en surassassins, n'a jamais excité chez nos jeunes élèves de philosophie que l'ironie et l'antipathie. Je demandais un jour aux miens :
— Que pensez-vous de cette doctrine de Nietzsche ?
— Oh ! monsieur, me répondirent-ils avec ensemble, elle est dégoûtante !.
Louis Roya, professeur de philosophie, "Les deux jeunesses", in La Lanterne février 1915
(...) nous prenions pour des déclamations et des fantaisies de théoriciens les thèses outrées d'un Nietzsche sur les droits de la force, sur la volonté de puissance, sur la nécessité d'être dur, enfin le « Rien n'est vrai, tout est permis » qui est le résumé de son immoralisme. Et nous avons fait la cruelle expérience que ce n'était pas là de vaines formules, ni des rêveries poétiques, mais l'expression d'une monstruosité morale qui devait se manifester dans l'action. (...) Le théoricien de la guerre absolue, CIausewitz et le rêveur de « Par delà le Bien et le Mal » se donnent la main dans le délire pangermaniste.
Gustave Belot, "La guerre et l'enseignement secondaire", in Revue bleue, 53, p. 174-179.
Je les appelle des sur-Boches, parce qu'ils prétendent à être, selon Nietzsche, des surhommes : seulement ils ne sont que des sur-Boches en effet. Ce qu'ils poussent au paroxysme, ce n'est pas l'intelligence, la vertu, la puissance humaines : c'est l'orgueil, la cupidité, la sauvagerie boches. Et je dis Boches, non point Allemands. Ce n'est pas pour le seul plaisir de taquiner l'ennemi, sachant que le sobriquet l'impatiente : mais il s'agit de Boches, non d'Allemands.
(...) Ainsi naissent les mots, — les mots vrais et utiles, les mots vivants, non les absurdes néologismes que forgent les écrivains pressés : — ils naissent en même temps qu'une réalité; l'on a besoin d'eux, pour désigner cette réalité nouvelle.
André Beaunier, "Les sur-Boches", in Revue hebdomadaire, avril 1915
Cet homme, qui a glorifié la force, dans ce qu'elle a de plus irrésistible, et l'effort soutenu, a vu se grouper autour de lui tous les décadents et tous les jouisseurs frivoles, tous ceux enfin qui ne sont capables ni d'être maître d'eux-mêmes ni de leur destinée. Ce n'est pas le côté le moins tragique de la vie de Nietzsche.
Faudrait-il en conclure que Nietzsche a complètement manqué l'effet qu'il se proposait de produire, qu'il a créé l'illusion de la pseudo-puissance et ainsi favorisé ce qu'il aurait voulu voir disparaître? Une telle conclusion ne serait qu'en partie justifiée. Car la doctrine de Nietzsche s'adresse aux esprits d'élite, à ceux qui, dans leur désir de réaliser l'idéal de l'avenir, se sentent trop opprimés par le poids du passé et le milieu ambiant. Pour cette catégorie d'esprits Nietzsche a été et restera toujours un guide inestimable, éminemment propre à les encourager dans leurs tendances.
M. Solovine, "Hubert Le Hardy. - A Frédéric Nietzsche. Etude morale", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, janvier-juin 1915
L'amoralité allemande ne s'est pas exercée seulement dans le domaine de la conscience religieuse et philosophique; elle ne s'est pas exercée exclusivement au sein de ses universités et dans le monde de ses savants, faisant une idole de la culture universitaire germanique. Elle s'est produite en politique, acceptant le joug rude de ses dirigeants et le servage de ses hobereaux. Elle s'est produite sur son marché commercial, dans son industrie qui s'est développée d'une façon prodigieuse et dans l'enseignement technique qui ont assuré à l'Allemagne une brillante prospérité matérielle et une amélioration des conditions de l'existence.
Mais cette amoralité qui révolte les autres peuples, a plus encore été profonde dans le caractère et les idées des penseurs et des écrivains allemands. On peut, à titre d'exemple les prendre tous. N'en prenons qu'un seul: Nietzsche.
Le nietzschéisme, c'est avant tout le renversement de la valeur morale, avec ses conséquences et la glorification, l'excuse, l'éloge même de la barbarie.
de Saint Rustice, "L'amoralité allemande", in Revue contemporaine, mai 1915
Cette honnêteté allemande, candide, avenante et sans arrière-pensée est aujourd'hui peut-être le déguisement le plus dangereux et le plus habile que sache prendre l'Allemand. Un peuple est très habile quand il se donne pour profond, maladroit, bon enfant, honnête, sans astuce. Enfin, il faut faire honneur à son nom on ne s'appelle pas en vain deutsch Volk, Tausche Volk, peuple qui trompe.
NIETZSCHE. (Par delà le bien et le mal)
"L'âme de l'Allemagne (D'après les grands Allemands)", Le Matin, 7 mai 1915
Comment Rome, mère du droit, (...) qui a trouvé sa principale force dans la tradition latine, se fût-elle mise à l'école des Nietzche, des Treitschke et des Bernhardi ? Et par quelle impiété les catholiques italiens eussent-ils colludé avec les destructeurs fanatiques de Louvain et de Reims ?
Discours du président de la Chambre, Paul Deschanel à propos du ralliement de l'Italie, le 25 mai 1915
"Atrocités", in le mot., 1er juin 1915
Zarathoustra n'apportait pas au monde un évangile de douceur. Il a exalté les vertus guerrrières et il a dit à ses disciples "Soyez durs!". (...)
Que cette réaction violente contre l'idéal chrétien et contre la morale de la pitié ne soit pas n"cessairement bienfaisante et édifiante, ce n'est pas nous qui le contesterons. La prédication immoraliste de la volonté de puissance a pu exercer sur certaines âmes une influence perverse et dissolvante. Et même il y a un nietzschéisme de bas étage, le nietzschéisme des médiocres qui se font de leur égoïsme une gloire et une parure. (...)
Mais on ne saurait juger un penseur d'après les déformations que peut avoir subies sa doctrine.
A. Causse, "Nietzsche et l'Allemagne impériale", in Revue chrétienne, mai-août 1915
Parmi les hommes que l'on incrimine, à qui l'on attribue ce vertige de violence, il en est un dont le nom revient souvent sur les lèvres ou dans les écrits : FRÉDÉRIC NIETZSCHE. On le cite volontiers; on le lit plus rarement. Allons à lui; voyons quelle sorte d'appui son influence a pu prêter aux théoriciens du pangermanisme.
(...) nous pouvons affirmer que Nietzsche est demeuré l'adversaire le plus décidé, le critique le plus pénétrant de la culture allemande. Ce philosophe de l'héroïsme, cet apologiste de la guerre, cet ennemi des religions humanitaires tient à s'isoler d'une race qu'il juge, en définitive, vaniteuse et stérile. Européen, oui. Sans-patrie, peut-être. Allemand, non pas. Et ce nous est une vengeance savoureuse de pouvoir opposer aux lourdes affirmations des Intellectuels de 1914 cette protestation d'un des esprits les plus puissants de l'époque moderne, révolté contre le dogmatisme hypocrite et balourd de son propre pays.
Edouard Herriot, "Nietzsche et la culture allemande", in Annales politiques et littéraires, 4 juillet 1915
Qu'elles en aient ou non conscience, nos vaillantes armées se battent moins contre des hommes que contre des doctrines. Et donc, l'oeuvre la plus opportunément militante que l'on puisse accomplir à l'arrière consiste à démontrer la fausseté et l'immoralité de ces doctrines germaniques qui sont la cause profonde du prodigieux bouleversement auquel nous assistons depuis onze mois et que les soldats du Kaiser interprètent quant a eux de la manière atroce que l'on sait.
Julien de Narfon, "LEglise et la doctrine du surhomme", in Figaro, 12 juillet 1915
Ce qui importe toutefois, c'est l'action que les idées de Nietzscbe ont exercée sur la conscience allemande. Ces idées ont apporté à la jeunesse intellectuelle surtout, un élément d'enthousiasme dyonisien, d'ivresse orgiaque, de joie du mal et de la violence, qui donne au panthéisme germaniste le dernier trait qui lui manquait. L'orgueil germanique s'est hâté de personnifier dans le surhomme le moi allemand.
Jacques Maritain, "Résumé de la leçon donnée à L'Institut Catholique de Paris le 19 mai 1915", in La Croix, 21 juillet 1915
L'histoire de l'Allemagne pose un problème tout à fait singulier, et qui la met vraiment à part des autres nations, ce qui ne veut pas dire qu'elle ait lieu d'en tirer vanité. Que ce peuple soit resté barbare, d'une barbarie épaisse et affreuse, c'est ce dont nul ne doute plus aujourd'hui, dans le monde entier. (...) Et voici le mystère. Si ce peuple brutal et grossier avait toujours été intellectuellement stérile, cela paraîtrait normal. Mais bien qu'il n'ait réalisé la plupart de ses progrès qu'à l'école de l'étranger, notamment à la nôtre, on ne peut nier qu'il a eu un nombre appréciable de grands hommes. En fait, on l'a parfois contesté, en ces derniers temps: le second Faust a été proclamé illisible, et tel chef-d'œuvre du drame lyrique a été qualifié de « misérable rapsodie ». Mais ce ne sont là que des boutades, dictées par une émotion respectable en soi, et qu'il ne faut pas prendre à la lettre.
La question sérieuse est de savoir comment un peuple si peu civilisé a pu donner naissance à des écrivains, à des philosophes et à des artistes éminents. C'est un phénomène dont il n'y a pas d'autre exemple. Une ou deux exceptions s'expliqueraient, à la rigueur, par les caprices de l'esprit, qui souffle où il veut, mais elles sont réellement trop nombreuses. Une étrangeté supplémentaire, c'est que la plupart de ces hommes illustres ne ressemblent guère à leurs compatriotes, et n'en diffèrent pas seulement par leur génie, mais par la qualité humaine de leurs ouvrages. Ce point a été plus âprement discuté. Des polémistes ont voulu impliquer les grands Allemands dans le procès de l'Allemagne actuelle, voire les dénoncer comme les plus coupables, et leur attribuer la principale responsabilité dans les présentes abominations. Luther, Gœthe, Schiller, Kant, Hegel, Wagner, Nietzsche ont été accusés d'être les véritables inventeurs du bochisme, si l'on peut s'exprimer ainsi. Mais nous avons vu que ce bochisme remonte à la plus haute antiquité et s'est perpétué par une tradition ininterrompue, sans avoir besoin des secours de la musique ou de la philosophie. D'autre part, on observe que chacun de ces polémistes attaque de préférence le philosophé ou l'artiste qui est le plus éloigné de ses propres théories et cette constatation conduit à un certain scepticisme. Puis, l'étude impartiale dés. œuvres incriminées démontre l'innocence de ces grands hommes, qui, d'ailleurs, ont presque tous juge très sévèrement leurs concitoyens. Mais cette dissemblance profonde complique le problème (...).
Après avoir longtemps médité sur cette énigme irritante, on croit entrevoir une solution. Oh! elle est purement hypothétique, et quelqu'un en découvrira peut-être une meilleure. (...), pourquoi,ne pas supposer que ces poètes, ces penseurs, ces musiciens dont l'Allemagne s'enorgueillit, sans pEOÛter de leurs enseignements, sont les héritiers de-lointains atavismes celtes? En tout cas, ils sont presque tous natifs précisément des régions où les Celtes florissaient jadis en plus grand nombre. (...) cette hypothèse ethnographique est sans doute arbitraire, mais elle l'est assurément moins, elle s'appuie sur des vraisemblances plus notables que celle des Chamberlain et des Reimer, qui revendiquent comme Germains de pure race Voltaire, Diderot, Pascal, Léonard, Michel-Ange, Dante.et même Jésus-Christ.
Anonyme, "Un problème historique", in Le Temps, 7 août 1915
Laissons-leur Nietzsche et ses « surhommes ». La Grèce, si le mot eût existé, les eût qualifiés de « sous-hommes » et eût donné à la jeunesse le spectacle de ces ilotes sanglants pour leur inspirer l'horreur de la barbarie.
François Roussel-Despierres, "Les vertus françaises", in La Renaissance, 21 août 1915
La vérité ne perd jamais ses droits et je sais d'irréprochables patriotes qui, en vertu de cet idéal, ont l'esprit agacé par les représailles qu'une partie de notre presse et de nos écrivains exerce, depuis le 2 août 1914, contre les grands noms philosophiques, scientifiques, artistiques et littéraires de l'Allemagne. Ce n'est pas Gœthe, disent-ils, ni Kant, ni Fichte, ni Hegel, ni Heine, ni Schopenhauer, ni Fred. Nietzsche qui ont violé la neutralité belge, brûlé Louvain, massacré des milliers de victimes innocentes, déchaîné sur le monde des torrents de feu et de sang. Pourquoi vouloir trouver chez eux la source de ces horreurs ? Et pourquoi, sous le seul prétexte qu'ils sont ou plutôt furent Allemands, les transformer en préparaleurs ou complices anticipés des barbaries de la politique et des armées impériales ?
Pierre Lasserre, "Le germanisme et l'esprit humain", in Revue bleue, 28 août-4 septembre 1915
Ce qui (...) rend Nietzsche si redoutable, c'est, avec la séduction de son génie poétique, sa volonté continue et passionnée de faire, en tant que philosophe, oeuvre éducatrice, de devenir l'éducateur des éducateurs".
(...) Car, et c'est ce qu'il ne faut jamais perdre de vue si on le veut bien comprendre, Nietzsche est esentiellement, exclusivement pratique.
Nelly Mélin, "La part de Nietzsche dans l'Impérialisme allemand", in La grande revue, 1915.
Quant à Nietzche, après avoir exposé sans rire les plus abracadabrantes idées, filles cérébrales de Kant et successeurs, il conclut gravement : « Entre tous les dangers, la morale serait le danger par excellence. »
Rideau !
Dr Georges Chéreau, "La pensée allemande moderne", in Petite Revue Bas-Normande de la guerre, septembre 1915
[Après la guerre], nous laisserons à nos ennemis, qui ne deviendront pas nos amis. les navrantes théories de Nietzsche et autres Schopenhauer, pour en revenir à l'école philosophique française du bon sens.
B. Renaudet, "La langue allemande et les programmes d'enseignement", in L'Ouest-Eclair,n°5967, 19 octobre 1915.
On considère généralement Nietzsche comme un Super-Aiiemand. Sa soeur, Mme Elisabeth Forster-Nietzsche, qui veille avec un soin jaloux, et, d'ailleurs, admirable, sur tout ce qui intéresse ou concerne la mémoire de cet esprit troublé et troublant lui en revendiquait récemment le mérite, assez contestable, étant donné ce que l'Allemand se montre aujourd'hui. La vérité est que Nietzsche ne s'est jamais senti Allemand et a abhorré l'Allemagne moderne. Il a certainement été l'apôtre convaincu et éloquent du droit de la force il a exalté la beauté de la violence. Mais force et violence devaient combattre pour la bonne cause, en faveur de ce qu'il y a de mieux dans l'homme.
Le combat qu'il engagea contre toutes les lois, contre toutes les morales, tendait à la rédemption de l'homme, de l'homme supérieur, tel que le comprenaient Carlyle et Emerson, à sa rédemption des entraves qui paralysent ses moyens et ne tendait nullement à à la suprématie d'une race ou d'une nation sur les autres, ni surtout, à la suprématie allemande.
Comte de Ronsaglie, "Ce qu'on a dit des Allemands", in Intermédiaire des chercheurs et de curieux, juillet-décembre 1915
Henri Ghéon, "A Frédéric Nietzsche", in Mercure de France, 1er octobre 1915
Personne ne songe à défendre en France la lecture de Kant ni de Nietzsche, pas plus qu'on ne songe a empêcher les amateurs de lire les Vedas ou le Taoteking. Mais personne n'a la prétention de faire de la doctrine des Vedanta ou du système de Laotseu l'aliment normal et de choix des esprits français. On ne songe point à élever autour de la France une muraille de Chine, mais on soutient qu'un peuple peut avoir intérêt à ne point chercher chez son pire ennemi la nourriture intellectuelle de ses enfants. Et après cela, qu'il y ait des spécialistes de philosophie allemande comme il y a des spécialistes de philosophie arabe ou hindoue, rien de mieux. C'est assez dire que la philosophie allemande a sa place, même dans l'enseignement, mais à la Sorbonne, et non pas au collège ou dans la maison d'école.
Edmond Laskine, "Correspondance", in Le Temps, 8
septembre 1915
On a beaucoup parlé de Nietzsche depuis le début de la guerre et l'on a même donné plusieurs citations de ses livres; mais, en somme, le public continue d'ignorer ce complexe écrivain. (...)
En France, comme en Allemagne, c'est surtout dans les milieux littéraires que Nietzsche trouva des admirateurs. (...) Dans les autres milieux cultivés, beaucoup de ceux qu'indignent la bassesse des foules, l'ignominie des groupes envieux et perfides, ont applaudi à ses virulences contre les niveleurs de tout genre.
Quelques écrivains, et non des moindres, n'ont pas craint d'aller plus loin. Ils ont admis que le nietzschéisme pouvait contribuer à rendre à notre race de l'énergie morale.
C'était singulièrement s'abuser. C'était confondre l'énergie morale avec la force factice, passagère, que procurent certains poisons et l'abus des alcools. Ils s'intoxiquent, les imprudents qui dessinent leur vie d'après les idées de Nietzsche.
Alphonse Germain, "Le créateur du surhomme", in Le Mois littéraire et pittoresque, octobre 1915
(...) on dit que Nietzsche est un des trois auteurs allemands dont les œuvres ont été trouvées le plus souvent sur des ennemis tués ou pris (...)
Henri Mazel, à propos de Georges Blondel, La doctrine pangermaniste, in Mercure de France, 1er décembre 1915
Il n'y a pas de philosophe sur l'oeuvre duquel on ait dit tant de sottises que Nietzsche. Cela vient du fait que les neuf dixièmes de ceux qui en parlent n'ont jamais lu une ligne de lui. Ils font: "Ah: oui..., le Surhomme!..." en secouant la tête d'un air entendu, et c'est une nouvelle bêtise qui s'ajoute au chapelet!...
Anonyme, "Nietzsche et les Allemands", in L'Humanité, 10 décembre 1915
Le Rire, 18 décembre 1915