Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940 (Laure Verbaere et Donato Longo)

1868-1910: BIBLIOGRAPHIE ET COMMENTAIRES DE LAURE VERBAERE

 

(en savoir plus)

1896


Articles et comptes rendus sur Nietzsche


WYZEWA Téodor de, "La jeunesse de Frédéric Nietzsche", in Revue des Deux Mondes, tome 133, 1er février 1896, p. 688-699. [2]

Commence par remarquer : "En France, un jeune enthousiaste, M. Henri Albert, s'est constitué l'interprète, l'apôtre fidèle du nietzschéisme" (p. 689).

Au sujet du portrait de Nietzsche par Kurt Stoeving publié par la revue berlinoise Pan, semble regretter sincèrement "cette image sinistre, -que M. Stoeving aurait mieux fait, peut-être, de ne point peindre, et la revue allemande de ne point publier" (p. 689). Cependant, lui consacre deux longues pages : "L'auteur, M. Kurt Stoeving, y a simplement représenté tel qu'il le voyait devant lui, assis sur un banc, au fond d'un jardin, un homme d'une quarantaine d'années, tête nue, les mains croisées sur les genoux. Mais il n'y a pas jusqu'au geste des doigts, trop longs et trop effilés, il n'y a pas jusqu'à la pose du corps, à la fois inquiète et abandonnée, qui n'achèvent de donner à l'ensemble de ce portrait un caractère inoubliable, obsédant et douloureux comme le souvenir d'un cauchemar. Le visage est pâle, déformé, usé, -dirait-on, - par de longues années de lutte intérieure. Les sourcils froncés, les narines relevées, les lèvres, serrées sous l'épaisse moustache tombante, expriment une méfiance mêlée d'angoisse ; tandis que, sous un front d'un hauteur et d'une largeur démesurées, les yeux regardent fixement dans le vide, deux yeux de bête, immobiles et sans pensée, des yeux qui ne voient pas et ne comprennent pas, mais où se lit plus clairement encore cette même expression d'épouvante désespérée" (p. 688-689).

Poursuit ensuite en insistant toujours lourdement sur l'état de Nietzsche : "Rien ne reste plus de Frédéric Nietzsche qu'une masse inerte, la misérable chose que nous représente le portrait de M. Stoeving" (p. 689).

Estime que Nietzsche souffrait d'une "mobilité maladive qui toute sa vie le portait à se dégoûter de ce qu'il avait trop aimé" (p. 693) et d'une "hypertrophie de l'intelligence" (p. 690) qui permet d'expliquer déjà "les sources de son mal" : "(...) dès les premières pages de sa biographie on découvre l'une d'elles, cette activité anormale de l'intelligence, qui tout de suite a porté l'enfant à vouloir tout apprendre, tout comprendre, qui a dix ans a fait de lui un poète, un musicien, un philologue et un auteur dramatique" (p. 691).

Fait volontiers l'éloge de Richard Wagner à Bayreuth et note : "Que l'auteur de ce livre, plus tard, -lorsque son intelligence commençait à s'obscurcir, - ait tourné le dos à la vérité naguère si clairement perçue, et qu'il ait dirigé de folles brochures contre l'homme dont il avait mieux que personne apprécié la grandeur, cela ne doit pas nous empêcher de faire de son livre l'estime qui convient" (p. 698).

Concernant le Cas Wagner : "La gloire du maître de Bayreuth, - est-il besoin de l'ajouter, - n'a rien à redouter (...). A supposer même que les Maîtres chanteurs et Parsifal fussent l'œuvre d'un acteur manqué, leur immortelle beauté n'en reste pas moins ce qu'elle est." (p. 699).

Conclut en insistant sur le travers caractéristique de Nietzsche : "Voilà donc l'emploi que faisait le malheureux de cette intelligence si belle, si amoureusement cultivée, et dont il avait tant d'orgueil : il s'en servait pour contrarier toujours les élans les plus spontanés de son âme, pour appliquer à ses plus chères affections son funeste besoin de "réflexion objectives", pour élargir, pour approfondir sans cesse le vide autour de lui" (p. 699).

 

Anonyme, "Nietzsche et les femmes", in Gazette de Lausanne, 5 février 1896, p. 2.

A propos d'un cours à l'école polytechnique qui a été très agité.

 

Anonyme, "Chronique", in L'Univers, n°10255, 13 février 1896, p. 2.

A propos d'un cours sur Nietzsche à l'Ecole polytechnique de Zurich, relate les réactions scandalisées des femmes dans le public.

 

ART G., "Revue des Deux Mondes (1er février). - La Jeunesse de Frédéric Nietzsche, par Th. de Wyzewa", {Revue des revues}, in Revue universitaire, tome I, n˚2, 15 février 1896, p. 170-171.

Compte-rendu consacré à la biographie de Nietzsche qu'Elisabeth Förster-Nietzsche vient de publier.
Explique l'objet principal de la sœur de Nietzsche est de "prouver que la folie de son frère n'est point, comme on l'a pensé, un effet de l'hérédité" (p. 170). Considère, comme Wyzewa mais sans jamais le citer, que "l'activité anormale de l'intelligence" est une des sources de la folie de Nietzsche (p. 170). Reprend l'idée de Wyzewa selon laquelle Nietzsche exerçait déjà son esprit critique à l'égard de Wagner même aux temps de Richard Wagner à Bayreuth et conclut en citant Wyzewa : "Ainsi donc cette intelligence si belle, si amoureusement cultivée et dont il avait tant d'orgueil, le malheureux ne s'en servait que pour contrarier les élans les plus spontanés de son âme et pour élargir, pour approfondir sans cesse le vide autour de lui" (p. 171).

 

Inconnu, "Friedrich Nietzche", in Revue catholique des Revues, n°18, 20 mars 1896.

D'après {A travers les Revues}, in L'Univers, n°10302, 23 mars 1896, p. 2.

 

ARREAT Lucien, "Rudolf Steiner. Friedrich Nietzsche, ein Kämpfer gegen seine Zeit", {Analyses et comptes rendus}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 41, n˚4, avril 1896, p. 463-464.

Eloge du livre de Steiner qui "a su parler de Nietzsche, après beaucoup d'autres, d'une manière intéressante" et qui "a le mérite de le faire brièvement" (p. 463). Souligne la sympathie de l'auteur pour Max Stirner et pour Nietzsche, "son libre suivant, sur les écrits duquel on dispute aujourd'hui tant et trop en Allemagne". S'étonne que Steiner ne voit pas "les vices d'une doctrine qu'il expose cependant avec beaucoup de clarté". Reconnaît "le côté brillant" de Nietzsche mais insiste sur "les défauts de sa logique et l'incohérence de sa pensée" (p. 463). Conclut en remarquant : "Si M. Steiner est libre de toutes préventions, il profitera peut-être de Nietzsche mais il se gardera de le suivre à l'aveugle. L'homme selon le cœur de Nietzsche ne saurait porter le joug : humilier sa raison devant la sienne, n'est-ce pas déjà ne plus être son disciple?" (p. 463-464)

 

BREAL Michel, "Les étymologies du philosophe Nietzsche", in Mémoires de la société de linguistique de Paris, 9, p. 457-459.

 

GREVIN Georges, « Nietsche Wagner et la Grèce antique », {Les revues allemandes}, in L’Ermitage, vol. 12, janvier-juin 1896, p. 401-404.

 

GOURMONT Remy de, "Téodor de Wyzewa : Ecrivains étrangers", {Littérature}, in Mercure de France, tome 19, n˚80, août 1896, p. 351-352.

Compte-rendu élogieux des passages du livre consacrés à Nietzsche : "Ce volume contient deux articles sur Nietzsche, en tout 50 pages qui sont assurément ce qu'on a écrit de plus net et de plus sérieux touchant l'auteur de Zarathustra ; il y a là autre chose que l'analyse des documents, un sagace examen des idées" (p. 351).

 

Anonyme, {Revue des Deux Mondes}, in La Réforme sociale, juillet-décembre 1896, p. 446-451.

Compte-rendu d'Edouard Schuré, "Frédéric Nietzsche et sa philosophie" (p. 449)

 

GERARDY Paul, "L'âme allemande aujourd'hui", in Mercure de France, tome 20, n˚82, octobre 1896, p. 16-26.

Cite des extraits épars de Nietzsche.

 

FAGUET Emile, "Le livre à Paris", in Cosmopolis, t. 4, n°11, novembre 1896, p. 495-506.

A propos de Ecrivains étrangers, de Teodor de Wyzewa: regrette que le passage sur Nietzsche, "excellent du reste, soit trop sommaire" (p. 504).

 

D.E., "Nouvelles diverses", in Le Ménestrel, 62e année, n°29, 19 décembre 1896, p. 230-232.

A propos des archives Nietzsche à Weimar (p. 231).