Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940
(Laure Verbaere et Donato Longo)
Religieux français, mort à Tunis.
PONS Alexandre, La guerre et l'âme française; vers une double victoire: seize conférences, Tunis-Paris, 1914-15, avec une préface de l'abbé Edmond Loutil, Paris, Bloud et Gay, 1915.
Rappelle et dénonce la "prodigieuse extension de la « culture » allemande en France" dans les années précédant la guerre. Evoque un "spectacle navrant: des millions de Français dont la boîte crânienne abrite un cerveau modelé par Kant, Bebel, Nietzsche, Strauss ou Harnak(...)". Note: "Croyez bien que les folies subversives de Nietzsche ont eu beaucoup plus de traducteurs, de lecteurs, et de passionnés propagateurs que les claires, vivifiantes et si françaises envolées de Mistral".
Un article sur cette conférence est publié dans La Liberté du Sud-Ouest du 25 avril 1916.
Evoque une France mal préparée politiquement et économiquement. Ajoute: "Mais, autrement redoutables peuvent être les résultats de cette troisième invasion d’avant-guerre, opérée avec non moins de succès, et sur laquelle on a trop négligé d’attirer l’attention publique: celle de la culture allemande, et de son assaut colossal contre l’âme française pendant ces dernières années.
Dans le remarquable recueil des conférences faites par Mgr Pons à Tunis et à Paris, et publiées sous le titre « La Guerre
et l’Ame française » (I), nous trouvons l’une d’elles, exposant ce sujet de façon saisissante.
L’éminent orateur y passe en revue les divers domaines dans lesquels la culture allemande a réussi à s’implanter, et dont, hélas! elle n’a pas été chassée encore.
Dans certains milieux, c’est de Kant que l’on faisait dater, hier encore, la pensée contemporaine. C’est à cette source et à celle des docteurs rationalistes et sceptiques d’outre-Rhin, que s’inspiraient les auteurs de nos manuels officiels.
Et cette culture allemande ne restreignait pas son influence aux milieux universitaires. Elle allait dans les salons apporter les élucubrations de Nietzsche, devenu, avec son surhomme, l’auteur préféré de toute une génération de snobs et de de mi-lettrés. Elle pénétrait aussi les masses, par le canal de la presse quotidienne:
« Quelques mois avant la guerre, deux grands journaux parisiens, les plus répandus, donnaient des séries interminables d’articles sur l’origine du monde, l’apparition de l’homme sur la terre, notre genèse, tous tirés de Hæckel, le fameux auteur de l'Origine des Espèces, et autres vulgarisations transformistes. »
Et, afin de pousser plus avant, dans l'esprit et le cœur du peuple, son action pernicieuse, la culture allemande se servait
du roman à 13 sous, que l’on trouvait dans toutes les gares, dans tous les kiosques, et à tous les étalages de libraires.
« Toute cette littérature policière, et autres récits fous, dissolvants, d’où venaient-ils ? — D’Allemagne, de chez Eicheler, Verlagshauss, à Dresde. Alors que nous avons des conteurs si clairs, si gais, si moraux, si patriotiques, et d’es-
prit si essentiellement français et chrétien. »
Dans le domaine artistique, que n’y aurait-il pas à dire aussi, de l’influence germanique en France durant les quelques
années qui ont précédé la guerre. Essaiera-t-on. par exemple, d’expliquer aujourd’hui cet engouement pour la musique allemande, qui sévissait alors ? — Non, la grande et noble musique qui n’a pas plus de nationalité que la Beauté elle-même; mais cette musique barbare, faite de bruit, de dissonances et « d’indéchiffrables énigmes de sons », et devant laquelle on était tenu de s’extasier, sous peine de passer, dans le monde initié, pour un philistin.
Mais, chose autrement grave, la culture allemande n’a pas manqué d’exercer aussi son action dans le domaine religieux.
D’où est sorti, en effet, le modernisme, ce fléau qui menaçait d’envahir l’Eglise, et qu’enraya si victorieusement le zèle clairvoyant et énergique de Pie X ?
« D’où venaient les modernistes ? — De Tubingue, de Bonn, de Berlin. Quel était le maître de Loisy, leur chef en France ? — Harnack. »
Il est à remarquer, d’ailleurs, que la seule réaction vraiment efficace qui se soit manifestée contre cet envahissement de la culture germanique est précisément celle qui s’est opposée au modernisme. L’autorité ecclésiastique a vu le danger,
et l’a immédiatement signalé, avec des sanctions à l’appui. Le succès de cette contre-offensive a été complet.
A n’en pas douter, l’ennemi, toujours si méthodique dans la poursuite de ses plans, n’a pas, sans motifs, entrepris cette campagne funeste. Sa pensée était, ainsi que le dit excellemment Mgr Pons, « d’empoisonner la source même de la vie française en germanisant les esprits afin de les soumettre plus facilement au joug de son emprise par les armes. » (...)"