André Roubaud est le pseudonyme d'André Santerre, compositeur et réalisateur français. Il a été journaliste et rédacteur à Comoedia puis rédacteur en chef à Marianne.
ROUBAUD André, "Wagner et Nietzsche falsifiés par M. Goebbels", in Marianne, 28 juin 1939, p. 6.
"(...) Les intellectuels hitlériens ont officiellement adopté Nietzsche en prétendant qu'il possédait la « conscience mythique », c'est-à-dire qu'il avait placé le concept de la race et de la discipline raciale avant tout, méprisé la démocratie, exalté la « dureté » et préconisé l'écrasement des faibles par les forts.
Bien qu'il ne soit pas possible, dans le cadre d'un article comme celui-ci, d'entrer dans les détails d'une critique de cette interprétation, il est possible d'indiquer qu'il suffit d'ouvrir les œuvres du génial amoraliste qui, ayant dépassé tous les systèmes dogmatiques, disait : «- Un philosophe utilise et consomme des convictions », pour ruiner complètement l'argumentation des nazis, résumée par un nommé Baümler, dans un ouvrage intitulé : « Nietzsche der Philosoph und der Politiker », sous la forme d'un précis national-socialiste, arbitrairement tiré des doctrines philosophiques de l'éblouissant créateur de Zarathoustra.
Or la théorie des hitlériens sur Nietzsche est fausse. Ils ont extrait de son œuvre les passages susceptibles de justifier leurs principes d'obscurcissement intellectuel et ont monté en épingle: le thème du surhumain, le mépris des masses, les attaques contre une certaine forme de culture, par exemple; mais ils ont omis de faire état des conclusions auxquelles était arrivé le maître de Sils Maria, vers la fin de sa vie, lorsqu'il eut achevé de parcourir les cycles de son évolution:
Dans « Ecce homo », il ne se cache point pour présenter l'impérialisme allemand comme un crime contre l'esprit. D'autre part, dans ses lettres, il s'élève couramment contre le nationalisme, l'étatisme, le militarisme et l'antisémitisme. Il écrit à Fritsch en faisant allusion aux falsifications des concepts aussi vagues que: germanisme sémite, aryen, allemand, et, dans une lettre à Bollé on peut lire une phrase où il est question de « cette fumisterie de la race ». Par ailleurs, en 1885, dans « Par delà le bien et le mal », il fait l'apologie de la race juive (les aphorismes numéros 250 et 251 sont significatifs à cet égard). (...)"