Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940
(Laure Verbaere et Donato Longo)
Camille Ferdy est le pseudonyme qu'utilise Ferdinand Cottalorda, publiciste français, il est rédacteur au Petit provençal à partir de 1893. Il en devient rédacteur en chef. Officier d'Académie en 1899, officier de l'Instruction publique en 1904, il est nommé chevalier de la légion d'honneur en 1908 (refusé en 1906) pour son engagement en faveur de l'enseignement public et laïque, puis officier en 1919, enfin commandeur en 1933. Voir ses états de service.
Il évoque Nietzsche dans de nombreux articles.
FERDY Camille, "Flétrissure", in Le Petit provençal, 20 novembre 1933, p. 1. [L.V.]
A propos de la visite de Hitler à Elisabeth Förster-Nietzsche et du don de la canne de Nietzsche.
"(...) M. Hitler, tenant en main la canne de Nietzsche, traversa la foule, au milieu des acclamations.
La foule, empressée à acclamer son maître, pouvait ignorer que ce Nietzsche, dont se réclame M. Hitler, avait réprouvé les ignobles fureurs de l'antisémitisme, mais le chancelier devrait le savoir, ou on devrait le lui apprendre.
Il est vrai que le docteur Foerster était un agitateur antisémite mais il est vrai aussi que sa basse passion inspirait à son beau-frère la plus profonde des répugnances...
On en pourrait trouver les preuves dans bien des lettres de Nietzsche à sa sœur et aussi dans la plupart des œuvres de l'illustre philosophe allemand. (...)"
FERDY Camille, "Au bûcher", in Le Petit provençal, 1er mai 1934, p. 2. [L.V.]
Proteste à nouveau contre Hitler et les hitlériens qui invoquent "l’œuvre et le nom de Frédéric Nietzsche à l’appui de leurs grotesques doctrines et de leur monstrueuse politique". Note que si "au lieu de faire brûler ses livres, le dictateur d’outre-Rhin s’obstine à célébrer sa gloire, c’est pour tenter de s’annexer la gloire de Nietzsche comme il tente à l’heure actuelle de s’annexer la gloire de Goethe en plaçant l’effigie du plus grand écrivain allemand au centre du nouvel insigne que ses fidèles reçoivent l’ordre d’arborer".
Signale la publication dans le Mercure de France d'un article de Greg. Kolpaktchy et B. de la Herverie qui montrent que pour son Zarathoustra, Nietzsche s'est inspiré d'un ouvrage maçonnique de Jean-Baptiste Krebs. Conclut: "L’origine maçonnique d’ « Ainsi parlait Zarathoustra » se trouvant incontestablement établie, il ne reste plus à M. Hitler et aux hitlériens qu’à jeter le chef-d’œuvre de Nietzsche au feu".
FERDY Camille, "Pour Hitler", in Le Petit provençal, 24 décembre 1934, p. 2. [L.V.]
Commence par rappeler: "Les hitlériens allemands déclarent voir en Frédéric Nietzsche le prophète par excellence du nazisme.
Nous avons déjà prouvé maintes fois que cette prétention n'était nullement fondée et qu’en réalité l’illustre philosophe avait condamné d’avance la plupart des doctrines absurdes ou monstrueuses dont l’hitlérisme fait son credo".
Note que "les « Œuvres Posthumes » de Nietzsche, dont le « Mercure de France » vient de publier une traduction française avec introduction et notes par M. Henri-Jean Bolle, nous offre une occasion nouvelle de faire cette irréfutable démonstration."
FERDY Camille, "La raison", in Le Petit provençal, 24 avril 1935, p. 2. [L.V.]
Commence: "Un journal d’outre-Manche donne à M. Hitler le judicieux conseil de cesser d’être un Allemand exalté pour devenir un bon Européen.
Etre un bon Européen, c’était le mot d’ordre de Nietzsche.
Mais bien que le Führer et ses compagnons prétendent considérer le célèbre philosophe allemand comme le véritable prophète du nazisme, on ne peut guère espérer qu'ils suivront son mot d’ordre à cet égard.
Ils glorifient Nietzsche. Mais ils ne renonceront jamais à ce culte idolâtrique de l’ultra-militarisme nationaliste et belliciste qui fut toujours en honneur outre-Rhin depuis Frédéric le Grand jusqu’à Guillaume le Petit."
FERDY Camille, "Nietzsche", in Le Petit provençal, 27 juillet 1936, p. 2. [L.V.]
Note: "Depuis trente et quelques années, les œuvres philosophiques de Frédéric Nietzsche sont traduites dans toutes les langues et largement répandues partout après avoir été si longtemps ignorées ou méprisées jusque dans la propre patrie de l'auteur, si tant est que celui-ci ait eu véritablement une patrie.
En tout cas, il n’avait pas l'orgueil de sa patrie originelle.
Le célébré philosophe allemand prodiguait le sarcasme et la flétrissure au grossier militarisme et au stupide nationalisme de ses compatriotes, ainsi qu'à l'immonde antisémitisme qui alors commençait déjà à troubler bien des cervelles outre-Rhin, ce qui n'empêche d'ailleurs pas M. Hitler de se réclamer aujourd'hui de Nietzsche avec la prodigieuse imprudence qui caractérise le Reichführer.
Les œuvres nietzschéennes appartiennent à l'humanité."
Evoque les excellentes traductions françaises et les affinités de Nietzsche pour la lumière méditerranéenne, son amour pour Nice.
FERDY Camille, "A l'opposé", in Le Petit provençal, 12 janvier 1937, p. 2. [L.V.]
A propos du livre de M. -P. Nicolas, De Nietzsche à Hitler. Approuve l'auteur: "M. Adolf Hitler s’obstine à se réclamer de Frédéric Nietzsche et tous les doctrinaires du nazisme font comme lui.
Or, comme nous l’avons souvent prouvé ici même, une telle prétention est aussi absurde qu'impudente. Dans l’ordre spirituel comme dans l’ordre moral, le nietzschéisme contredit et condamne le nazisme sur tous les points essentiels. C’est là une vérité dont M. M.-P. Nicolas, dans le volume qu’il publie chez Fasquelle, « De Nietzsche à Hitler », achève de faire la démonstration.
Nietzsche disait que le penseur doit tout souffrir pour le service de la pensée et proclamait que la culture est une délivrance.
M. Hitler interdit rigoureusement toute expression d’une pensée libre et sacrifie le prestige de la culture intellectuelle au dogmatiste de la force brutale.
Nietzsche exaltait toutes les libertés de l’intelligence.
M. Hitler exploite l'instinct précaire des masses asservies.
Refusant de s’attacher à aucune personne et de se lier à aucune patrie, Nietzsche recherchait la vérité et situait le droit hors de toutes les contingences personnelles ou nationales.
Pour M. Hitler et ses lieutenants, il n’y a d'autre vérité ni d'autre droit que la vérité et le droit favorables au despotisme et au pangermanisme des maîtres du jour.
Méprisant la fumisterie effrontée de la superstition raciste, Nietzsche ne croyait point à la race élue et se moquait cruellement de ses compatriotes qui voulaient placer l’Allemagne au-dessus de tout.
Pour M. Hitler et ses disciples, la primauté raciale est un absolu indiscutable. Il y a une race élue et c'est l’Allemagne qui la représente dans toute sa pureté. Le reste n'est que barbarie.
Toujours Nietzsche s’éleva avec la plus vigoureuse indignation contre l'ineptie et l'ignominie de l'antisémitisme qui se manifestait et sévissait déjà de son temps, mais avec beaucoup moins d’intransigeance et de férocité qu’aujourd’hui.
L’antisémitisme le plus imbécile et le plus sauvage est devenu un des principaux articles de foi de la religion nazisme.
La philosophie nietzschéenne repoussait la politique qui subordonne toutes les libertés de l'individu aux intérêts supérieurs de l’Etat.
Le nazisme hitlérien sacrifie tout à la statolâtrie.
Enfin, le célèbre philosophe allemand déclarait se sentir plus près des Français et des Russes les plus cultivés que de l’élite de ses compatriotes pangermanistes. La France représentait, à ses yeux la culture la plus intellectuelle et Nietzsche lui a rendu à cet égard de nombreux hommages. S’enorgueillissant d’être un bon Européen, il appelait de ses vœux ardents une fusion complète de toutes les nations.
Le Führer et ses créatures s’acharnent à exciter violemment les populations allemandes contré la France et la Russie; ils traitent les internationalistes de criminels.
Le nazisme est donc tout à fait le contraire du nietzschéisme.
Nietzsche, qui ne se plaignait pas seulement de l'incompréhension de ses contemporains mais qui redoutait davantage encore les trahisons futures, disait un jour frémir en songeant à tous ceux qui plus tard se réclameraient de ses idées: ne semblait-il pas prévoir M. Hitler et les hitlériens?"
FERDY Camille, "Niké", in Le Petit provençal, 4 juin 1937, p. 2. [L.V.]
"Dans les nombreux articles qu'à diverses dates nous avons eu l’occasion d'écrire sur Frédéric Nietzsche, le célèbre philosophe allemand dont les œuvres restent toujours d'actualité et prêtent toujours à discussion trente-sept ans après la mort de leur auteur, nous avons prouvé avec des textes tout à fait édifiants que le génie nietzschéen s’était en quelque sorte révélé à lui-même et avait trouvé à s’épanouir magnifiquement sur nos rives méditerranéennes, plus particulièrement dans les Alpes Maritimes: à Nice, capitale de la Côte d'Azur, et sur les hauteurs du village d'Eze."
Signale l'article de Jean-Eoudard Spenlé sur Nietzsche à Nice dans le Mercure de France.
FERDY Camille, "L'édifice", in Le Petit provençal, 11 août 1937, p. 2. [L.V.]
Signale et commente la publication d'Ainsi parlait Zarathoustra et de La Volonté de puissance aux éditions de la Nouvelle Revue Française, dans la traduction de Geneviève Bianquis. Souligne l'importance des deux.
FERDY Camille, "Une correspondance", in Le Petit provençal, 18 avril 1938, p. 2. [L.V.]
"Le célèbre philosophe allemand Frédéric Nietzsche fut-il le grand prophète du nazisme d’aujourd'hui, comme se plaisent à le proclamer si souvent M. Hitler et les doctrinaires hitlériens?
Nous avons maintes fois prouvé combien était peu fondée celte prétention hitlérienne en montrant que l'auteur d'Ainsi parlait Zarathoustra détestait l'Allemagne et méprisait les Allemands, en montrant aussi et surtout qu’il condamnait toutes les absurdités et toutes les infamies qu'exaltent les maîtres actuels du Reich naziste: le racisme, le bellicisme, le militarisme, le nationalisme, le pangermanisme, l'antisémitisme.
Oui, Nietzsche condamnait tout cela, avec la plus grande netteté et avec la plus grande vigueur, dans sa correspondance où il se confiait farouchement et librement à sa mère, à sa sœur, à ses amis.
Pour le constater, il suffit de parcourir le recueil de Lettres choisies qui, traduit par M. Alexandre Vialatte, vient de paraître aux Editions de la Nouvelle Revue Française: 147 lettres écrites par Nietzsche de novembre 1868 à décembre 1888."
Donne quelques extraits à l'appui.
FERDY Camille, "Autres lettres", in Le Petit provençal, 19 avril 1938, p. 2. [L.V.]
Suite à son article du 18 avril 1938, à propos des Lettres choisies de Nietzsche (trad. Alexandre Vialatte), "pour souligner que le nazisme hitlérien ne saurait sérieusement invoquer l'esprit nietzschéen à l'appui de ses abominables doctrines".
FERDY Camille, "Ecce Homo", in Le Petit provençal, 20 avril 1938, p. 2. [L.V.]
Signale la publication dans la nouvelle traduction par Alexandre Vialatte.
Cite des extraits qui montrent l'incompatibilité entre l'hitlérisme et Nietzsche: son amour pour la France et sa détestation de l'Allemagne.
FERDY Camille, "Contre le racisme", in Le Petit provençal, 21 avril 1938, p. 2. [L.V.]
Multiplie les citations de Nietzsche pour en arriver toujours à la même conclusion: "On n’aurait pas un mot à changer pour appliquer cette si juste condamnation nietzschéenne à l’abominable racisme antisémite qui est le principal article de l’actuel programme hitlérien dans le Reich allemand devenu, depuis le rapt de l'Autriche, le Grand Reich."
FERDY Camille, "Pour conclure", in Le Petit provençal, 22 avril 1938, p. 2. [L.V.]
Nouvelles citations d'Ecce homo. Conclut:
"Voilà qui est net. Nietzsche se flattait d’écrire non avec des mots mais avec des éclairs.
Parmi les vingt volumes à travers lesquels son style merveilleux a projeté ses lumineux rayons, nous n'avons eu qu'à en ouvrir un particulièrement significatif et à le parcourir rapidement pour montrer clair comme le jour que les idées et les sentiments nietzschéens étaient absolument à l'opposé de l'intolérance et du fanatisme qui animent les racistes d'aujourd'hui.
Décidément — et ce sera notre conclusion — M. Hitler et les hitlériens auraient bien fait de lire les œuvres de Nietzsche avant de songer à se réclamer de lui."
FERDY Camille, "Nietzsche", in Le Petit provençal, 18 juillet 1939, p. 2. [L.V.]
Estime toujours que le nazisme a tort de célébrer en Nietzsche un prophète.
Signale et approuve le livre d'Henri Lefebvre sur Nietzsche.
Conclut en demandant: que dirait Nietzsche "aujourd'hui, où tous les fanatiques doctrinaires du nazisme hitlérien s'accordent à proclamer que le dogme de la force est le principe souverain et que, dans l'échelle des valeurs, la culture de l'esprit doit se borner à avoir le dernier rang?"
FERDY Camille, "Le bon Européen", in Le Petit provençal, 19 juillet 1939, p. 2. [L.V.]
A propos du livre d'Henri Mann: Les pages immortelles de Nietzsche choisies et expliquées.
Estime que ce livre arrive aux mêmes conclusions que celui d'Henri Lefebvre.
Note: "Le grand philosophe qui avait foi en la puissance du savoir et qui voulait que la science régnât sur le monde, celui qu’Henri Mann appelle un grand seigneur de l'esprit et qui se qualifiait lui-même l'homme d'Europe le plus indépendant, comment pourrait-il se trouver confondu avec tous ces fanatiques enragés de la barbarie hitlérienne qui professent le plus violent mépris pour la culture intellectuelle et qui condamnent comme le pire des crimes toute indépendance d’esprit?"