Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940
(Laure Verbaere et Donato Longo)
Dominique Parodi est né en Italie et est arrivé en France peu après sa naissance. Elève de l'Ecole normale supérieure, il est agrégé de philosophie, et devient professeur dans plusieurs lycées de province puis aux lycées Charlemagne, Condorcet et Michelet. En 1917, il sera nommé Inspecteur de l'Académie de Paris et de 1919 à sa mort, il sera Inspecteur général de l'instruction publique. Commandeur de la Légion d'honneur, il sera aussi élu membre de l'Académie des sciences morales et politiques en 1945. A son sujet, cf. la notice biographique insérée dans Elie Halévy, Correspondance (1891-1937), Paris, Editions de Fallois, 1996, p. 784-785.
PARODI Dominique, "La Morale des idées-forces", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°4, avril 1908, p. 337-366.
Souligne que l'ouvrage d'Alfred Fouillée est l'aboutissement d'une entreprise philosophique soucieuse de ne pas perdre contact avec son temps. Rappelle que sa pensée, "si merveilleusement intelligente et souple, la plus hospitalière et la plus compréhensive qui soit, avait semblé suivre docilement, dans ces dernières années, tous les mouvements de l'opinion philosophique, pour les critiquer et les juger ; avec celle-ci elle abordait tour à tour les problèmes de l'enseignement ou les études de psychologies nationales, ou regardait de près, sans hostilité de parti-pris, mais avec une clairvoyance pénétrante, les modes et les idoles du jour, Nietzsche et l'immoralisme, la réaction anti-kantienne, dont elle avait été en partie l'initiatrice, l' "amoralisme contemporain", ou encore la constitution de la nouvelle école sociologique." (p. 337)
Fait l'éloge de la "morale de la conciliation et de la bonté" de Fouillée en remarquant que le "moment est passé des systèmes rigides et froids." Ajoute : "En revanche, l'amoralisme nietzschéen ou néo-hédonisme, si fréquent dans la littérature courante, est une doctrine de dissolution où la pensée philosophique ne saurait s'arrêter longtemps." (p. 352) Devant l'impuissance du positivisme et l'inefficacité du sociologisme dogmatique, conclut que "le problème se pose donc bien tel que M. Fouillée l'aperçoit : il s'agit de réconcilier, en faisant à chacun sa juste part, tous ces éléments divers, également agissants autour de nous, naturalisme et idéalisme, positivisme scientifique et exigences du sentiment, expansion individuelle et règles sociales, prétention illimitée du moi à se créer ses tables de valeur, et force bienfaisante des traditions et des contraintes collectives." (p. 353)
PARODI Dominique, "Les grandes tendances de la philosophie contemporaine en France" , in Revue du Mois, n°50, 10 février 1910, p. 141-162.
Leçon d'ouverture d'un cours à l'Ecole des Hautes Etudes sociales en 1909/1910.
Constate l'absence de philosophie officielle, la prépondérance d'un courant anti-intellectualiste, la possibilité d'une réaction contre ce courant. Désigne une philosophie française qui est autonome, les influences étrangères n'ayant agi que sur la forme. Conclut: "La notion d'évolution universelle, l'idée de vie chez un Guyau, introduisaient des éléments d'instabilité jusque dans nos certitudes et dans notre science, jusque dans la constitution même de notre raison. L'influence d'un Schopenhauer et plus tard d'un Nietzsche devaient manifester avec éclat ces conséquences: mettre le vouloir-vivre ou le vouloir-grandir à la racine de l'être, c'est réduire l'intelligence à n'être plus qu'un instrument de la vie, supportée et débordée par quelque chose de beaucoup plus profond qu'elle. (...) Il en résulte bien que la valeur des idées résidera moins dans leur vérité intrinsèque, qui s'évanouit, que dans leur utilité; elles ne seront plus qu'un épisode secondaire, sinon un accident, au cours de l'évolution, et, encore une fois, un simple instrument de vie.
Ce sont ces ferments d'anti-intellectualisme que nous allons voir maintenant se développer, et converger, bien que venant de sources si diverses, non pas sans doute vers une commune doctrine, mais au moins vers un esprit semblable lequel sans doute ne se manifeste pas chez tous les penseurs contemporains en France, ni chez tous sous la même forme, ni au même degré, mais qui pourtant nous a paru constituer comme la note distinctive et comme la nuance propre de l'heure présente en philosophie" (p. 162).
PARODI D., "M. Pradines. - L'erreur morale établie par l'histoire de l'évolution des systèmes", {II. Théorie de la connaissance}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 70, n°8, août 1910, p. 198-204.
Expose la théorie de la connaissance développée par Maurice Pradines, "théorie pragmatiste (...) tout imprégnée de bergsonisme." (p. 200) Parodi résume: "Le vrai n'est qu'une hypothèse sur le réel: c'est le réel conditionné. (...) Tout notre savoir, comme le découvre de plus en plus la pensée contemporaine chez un Renouvier, un Boutroux, un Bergson, un Nietzsche, un Poincaré, n'est qu'une série d'hypothèses commodes, destinées à nous rendre utilisable une nature en elle-même mouvante, contingente et indéterminée." (p. 200)
Termine en faisant l'éloge de la partie historique de l'ouvrage, soulignant notamment les "aperçus ingénieux et nouveaux" sur Bergson et Nietzsche. (p. 204)