Philosophe et sociologue né à Erdőbénye (Nord de l'actuelle Hongrie), Ludwig Stein enseigne la philosophie de 1891 à 1909 à l'Université de Berne. Il est naturalisé suisse en 1893.
A partir de 1909, Il a des activités de journaliste et de conseiller politique.
STEIN Louis, "Frédéric Nietzsche : l'homme et l'écrivain", in Revue bleue, tome 52, 9
décembre 1893, p. 748-751.
Le traducteur a inséré cette note en bas de la première colonne : "(...) Cette étude fait partie d'un ouvrage plus étendu : La philosophie de Nietzsche et ses dangers, dont nous rendrons compte très prochainement : nous ne pouvons aujourd'hui que le signaler, comme la tentative la plus sérieuse qui ait été faite en Allemagne pour enrayer les progrès croissants de l'esprit nietzschéen" (p. 748).
Concernant la folie finale de Nietzsche, tant sujette à controverses, entre un peu dans les détails mais il se justifie aussitôt, comme pour s'en excuser : "Si je n'ai point passé sous silence ce triste épilogue d'une carrière si brillante et si féconde, c'est que je tenais à protester contre les rapprochements, tout à fait illégitimes, à mon avis, qu'on a cru pouvoir établir entre l'œuvre philosophique de Nietzsche et la maladie dont il est frappé. Les lecteurs de Nietzsche reconnaîtront avec moi que ses derniers écrits, la préface de son Crépuscule des Faux Dieux, écrite le 20 septembre 1888, et ses Dithyrambes de Dionysos, datés de la même époque, que ces pages, pas plus que les œuvres précédentes du malheureux philosophe, ne fournissent pas le moindre indice qui puisse faire prévaloir une folie prochaine" (p. 751).
Insiste longuement : "La physionomie littéraire de Nietzsche était exactement l'opposé de son apparence personnelle et de ses manières privées. Jamais on n'a vu peut-être un contraste plus frappant entre les habitudes de parler et les habitudes d'écrire d'un homme de lettres. "En société, c'était l'homme le plus modeste, le plus doux, le plus affable que j'aie rencontré, et dès qu'il écrivait, il n'y avait personne de plus libre, de plus violent et de plus orgueilleux" . Voilà ce que me disait de Nietzsche un fonctionnaire de Bâle, qui avait eu pleine occasion de le connaître durant les dix années de son séjour à l'Université" (p. 748).
Tout en expliquant point par point les dangers de la philosophie de Nietzsche, il peut ainsi écrire sans se contredire : "Son apparence extérieure était très sympathique. Elle semble surtout lui avoir conquis la faveur des femmes. (...) Dans les cercles intelligents de Leipzig, notamment, c'était toujours une fête quand il arrivait : et à peine était-il entré dans un salon que toute une troupe de dames se pressaient autour de lui, des dames pour la plupart assez âgées, et qui recueillaient toutes ses paroles avec un respect religieux.
Peut-être est-ce encore à cette cause qu'il faut attribuer la recherche constante de propreté et de correction extérieures qui était devenue chez Nietzsche une véritable manie. (...), ainsi que nous l'avons dit, on ne saurait imaginer un homme plus rempli de réserve et plus timoré, aussi longtemps qu'il n'avait pas la plume à la main" (p. 749).
Conclut en prenant bien soin de préciser : "Et si je me sens dans l'obligation de combattre à fond toutes les idées philosophiques de Nietzsche, je ne puis en revanche m'empêcher de déclarer que ses œuvres, même lorsqu'elles me choquent par leur cynisme, prennent rang, au point de vue littéraire, parmi les chefs-d’œuvre de la langue allemande" (p. 751).
STEIN Louis, Le sens de l'existence, Paris, Giard et Brière, 1909.
Avec un appendice sur: "Le philosophe de l'aristocratie: Frédéric Nietzsche" (p. 423-432)