Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940
(Laure Verbaere et Donato Longo)
Ecrivain suisse, Maurice Muret a fait ses études à Lausanne puis dans les Universités de Leipzig, de Munich et de Paris. Critique littéraire pour le Journal des Débats et la Gazette de Lausanne, il est nommé correspondant de l'Académie des sciences morales et politiques en 1920.
Il est allé à Weimar et il a rencontré Elisabeth Förster-Nietzsche en 1910. Il évoque plusieurs fois ce voyage.
MURET Maurice, "Une âme d'aristocrate. Frédéric Nietzsche", in Bibliothèque universelle et revue suisse 4, novembre 1898, p. 225-255.
MURET Maurice, "Une âme d'aristocrate. Frédéric Nietzsche. Deuxième et dernière partie", in Bibliothèque universelle et revue suisse 4, décembre 1898, p. 501-523.
Suite.
MURET Maurice, "Nietzsche et la littérature européenne", in Journal des Débats 29 mars 1902.
MURET Maurice, "Enquête sur l'influence allemande. M. Maurice Muret", in Mercure de France, tome 44, n˚155, novembre 1902, p. 358-361.
"Si je cherche à déterminer quels écrivains étrangers ont influé sur la pensée française contemporaine, il me semble découvrir ls noms suivants : Ruskin, Tolstoï, Ibsen, Nietzsche. Sur ces quatre écrivains, un seul est Allemand : Nietzsche. A-t-il d'ailleurs exercé une bien grande influence sur nos penseurs? C'est là un point qui mériterait d'être élucidé. J'ai cru longtemps, par exemple, que Maurice Barrès procédait directement de l'auteur d'Ainsi parla Zarathoustra. Or, je tiens de M. Barrès lui-même qu'Un homme libre était écrit depuis longtemps lorsqu'il s'avisa de lire Nietzsche pour la première fois.
Détail à noter : si ceux des écrivains français chez qui nous croyons reconnaître l'influence de Nietzsche se sont formés en dehors de ce philosophe, on n'en saurait dire autant de Nietzsche lui-même. Il a marqué lui-même à quel point sa pensée était tributaire de La Rochefoucauld. Chez Corneille, enfin, dans ses dernières pièces (Suréna), nous trouvons une doctrine qui rappelle fort celle que proclama le Surhumain.
Quant à la valeur morale que pourrait avoir la morale de Nietzsche, je ne la crois pas très bonne en soi. Nietzsche est un individualiste exaspéré. Or, notre monde contemporain n'a qu'un penchant trop marqué à sacrifier l'intérêt social à l'intérêt individuel. J'aime par contre chez Nietzsche les sérieux avertissements, les "castoiements" qu'il adresse à la démocratie contemporaine. J'aime chez Nietzsche le théoricien de l'ordre et le défenseur de l'autorité légitime, l'apôtre de la hiérarchie et de la discipline.
En dehors de Nietzsche, je ne vois guère de penseur allemand ayant exercé à un degré quelconque une influence sur nos écrivains" (p. 358-359).
MURET Maurice, « Nietzsche en France », {Variétés}, in Journal des débats, n°85, 26 mars 1904, p. 2-3.
MURET Maurice, "Nietzsche, la France et les Français", in Journal des Débats, n°314, 11 novembre 1904, p. 2-3.
Maurice MURET, "Nietzsche et la pensée française", {Notes de littérature étrangère}, in Journal des Débats, n°123, 4 mai 1905, p. 3.
MURET Maurice, "Emerson", {Notes de littérature étrangère}, in Journal des Débats, supplément du 13 décembre 1908, p. 2.
Constate le récent intérêt pour l'œuvre de Emerson et se demande : "Aurons-nous tantôt des Emersoniens comme nous avons déjà des Schopenhaueriens et des Nietzschéens? J'en serais, à vrai dire, fort surpris."
MURET Maurice, La littérature allemande aujourd'hui, Paris, Perrin, 1909.
MURET Maurice, "Le "Nietzsche-Archiv" de Weimar", in Journal des débats politiques et littéraires, 16 mai 1910, p. 3.
MURET Maurice, "M. Carl Spitteler", in Revue de Paris, t. 5, septembre-octobre 1910, p. 613-632.
Développe les point communs entre Nietzsche et Carl Spitteler (p. 614-620).
MURET Maurice, "L'enfant terrible du théâtre anglais: M Bernard Shaw", in Bibliothèque universelle et revue suisse, t. 64, n°190, 1911, p. 67-100.
Nombreuses allusions à Nietzsche.
MURET Maurice, "Frédéric Nietzsche et la culture allemande", in Journal des débats, n°341, 9 décembre 1914, p. 3.
MURET Maurice, L'orgueil allemand. Psychologie d'une crise, Paris, Payot, 1915.
MURET Maurice, "Souvenir de Weimar", {Au jour le jour}, in Journal des Débats, 17 février 1919, p. 1. [L.V.]
D'après des notes de 1910, raconte son passage à Weimar, sa visite au Nietzsche-Archiv et sa rencontre avec la sœur de Nietzsche. Se moque.
"(...) En tenant à Weimar leur Assemblée nationale, les Allemands essayent de retourner en leur faveur l'opinion publique du monde civilisé. On leur a répété à satiété pendant la guerre qu'ils avaient trahi Weimar pour Potsdam, le classicisme pour le pangermanisme, le poétique idéal de la petite fleur bleue pour le rêve monstrueux d'une tyrannie universelle. L'œuvre de violence ayant échoué, ils éprouvent le besoin, pour amadouer le monde, de renier Potsdam et son évangile trompeur. Les voici venir à Weimar, citadelle de leur
classicisme humanitaire, en équipage de pénitents, battant leur coulpe.
(...)
Faut-il souhaiter que les élus de l'Assemblée de Weimar se rendent en pèlerinage à la demeure de Nietzsche comme à celle de Gœthe et de Schiller? La voix d'outre-tombe du Surhomme peut-elle leur
donner des conseils opportuns? La question a fait tout récemment, dans le Berliner Tageblatt l'objet d'une curieuse controverse entre le romancier Heinrich Mann et M. Oscar Levy, l'historiographe de Nietzsche. Heinrich Mann estime que l'Allemagne républicaine doit mettre au rancart le nietzschéisme. M. Oscar Lévy voit au contraire en Frédéric Nietzsche un des ponts qui pourraient relier l'Allemagne nouvelle à l'Europe civilisée. Laissons aux Allemands le soin de définir Frédéric Nietzsche et de déterminer s'il appartient à Potsdam
ou s'il relève de Weimar.
Contentons nous de lui savoir gré d'avoir sévèrement jugé la culture prussienne en particulier et la Bildungsphilister en général. N'a-t-il pas écrit un jour: «La seule présence d'un Allemand suffit à troubler ma digestion»? Ce délicat était malheureux dans toute l'Allemagne, même à Weimar."`
MURET Maurice, "La «Philosophie de guerre» allemande. Les idées de M. Wundt", in Journal des Débats, 27 février 1920, p. 2-3. [L.V.]
Critique les idées de Wundt sur Nietzsche (p. 3). Il "a fait main basse sur le nietzschéisme". Conclut: "Reste à savoir si l'idée du devoir contenue dans la formule du Surhomme coïncide avec l'idée du devoir patriotique et prussien telle que l'entend M. Wundt. Il n'en doute pas, mais tous ceux qui ont lu Nietzsche sans parti pris en doutent fort. Ils se rappellent et l'on ne saurait trop le rappeler que Nietzsche a écrit ces mots prophétiques : « Les Allemands sont un peuple dangereux, ils s'entendent à se griser » et qu'on lui doit aussi cette déclaration péremptoire : « L'Allemagne, l'Allemagne au-dessus de tout, c'est peut être le mot d'ordre le plus stupide qui ait jamais été donné. » Gardons à Nietzsche, pour avoir si bien parlé, toute notre estime et prenons en pitié ce pauvre M. Wundt qui s'essaye à le défigurer, d'ailleurs sans y parvenir. Nietzsche était un brillant sophiste allemand, c'est entendu; mais il était aussi un bon Européen. Et c'est en vain qu'un autre sophiste allemand qui ne lui va pas à la cheville s'épuise à démontrer qu'il fut un méchant pangermaniste."
MURET Maurice, "Tolstoï et le bien", in Journal des Débats, 2 avril 1926, p. 4.
A propos de Léon Chestov, L'idée de bien chez Tolstoï et Nietzsche.