Journaliste français
BARRES Philippe, "Fuchs est le cousin du philosophe de la violence: le grand Nietzsche", in Paris-Soir, 2 août 1939, p. 3. [L.V.]
Raconte un dîner chez le consul de France, M. de La Tournelle, "qui remplit sa mission difficile avec une fermeté et un tact admirables. Il y avait le docteur Fuchs et sa jeune femme, tranquille et blonde, l'épouse d'un magistrat de Dantzig, et sa jeune sœur venue des frontières du Danemark et ne rêvant que canotage, un rédacteur du journal national-socialiste le « Dantziger Vorposten » et M. le Limerac, collaborateur de M. de La Tournelle."
Rapporte: "(...) la conversation glisse à la guerre civile d'Espagne. Les deux Allemands, très prudemment, cherchent à se faire expliquer les réactions de ce pays étrange d'où leurs officiers reviennent le plus souvent déconcertés.
Un Français dit :
— L'affaire d'Espagne ? Elle n'est pas finie.
Personne ne répond. On sent que ces jeunes nazis sont là en face d'un monde mystérieux où ils devinent sans l'avouer que leurs formules simplistes ne suffisent pas à tout régler.
Le Français reprend :
- Tout est affaire de mentalité, de moralité. Il y a une morale espagnole qui diffère de la morale française, qui diffère de l'allemande.
Alors, M. Fuchs, un peu pâle, répond :
— Sans doute, et nous, ici, pour parler morale et philosophie, nous sommes tous les disciples de Nietzsche.
Frédéric Nietzsche! Auteur de « Volonté de puissance » et de « Par delà le bien et le mal », celui qui appelle le christianisme une religion de décadence et le plus grand malheur de l'humanité, celui qui a traité saint Paul de faux monnayeur. Nous voilà bien au centre de la pensée hitlérienne.
Je demande :
— Vous y tenez tant que cela, à Nietzsche ?
- Y tenir ? Mais c'est notre Dieu, insiste M. Fuchs. C est lui qui nous a expliqué dans le domaine moral ce que Darwin a montré en biologie: que le fort est justifié par la nature quand il dévore le faible. Nietzsche, d'ailleurs, me touche personnellement de près. Mon grand-père était son cousin et son ami. Nous avons de lui de précieuses lettres encourageant mon grand-père dans l'effort qu'il faisait pour animer la vie intellectuelle de Dantzig.
Je demande :
— Ainsi, docteur, vous considérez bien le mouvement national-socialiste comme opposé au socialisme ?
- Absolument, dit le Dr Fuchs."