Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940
(Laure Verbaere et Donato Longo)
Romain Rolland a été élève de l'Ecole normale en 1886 et de l'Ecole de Rome. Agrégé d'histoire, il devient docteur ès lettres en 1895 avec une thèse sur les Origines du théâtre lyrique moderne et est chargé de conférence d'histoire de l'art à l'Ecole normale. En 1891, il découvre la pensée de Nietzsche par l'intermédiaire de Malwida von Meysenbug avec laquelle il partage une grande admiration pour la musique de Richard Wagner.
Dans un premier temps, le jeune Romain Rolland éprouve une aversion illimité pour Le Cas Wagner et les premiers nietzschéens ; le 3 novembre 1897, il écrit par exemple : « Nietzsche est de plus en plus à la mode ici. Le plus jeune fils de Ludovic Halévy, Daniel H. qui fait paraître dans le prochain numéro de la Revue de Paris un article sur les rapports de Nietzsche et Wagner, a même l'intention de faire le voyage de Rome, en partie pour vous voir et recueillir vos souvenirs sur son héros. Il le disait l'autre jour dans le salon de Mary Darmesteter. J'aime à vous prévenir, pour que, le cas échéant, vous remettiez au point sa vénération pour Nietzsche dans l'affaire de la brouille avec Wagner. - Je vous assure que je n'ai rien inventé de ce que je vous ai dit sur le « néo-antiwagnérisme » ; il est courant aujourd'hui dans le monde des jeunes littérateurs, à la Revue Blanche et au Mercure de France. - Pour moi, tout ce que j'ai lu dans ces derniers temps de Nietzsche, au sujet de Wagner, m'a inspiré une aversion insurmontable. Que cet homme à la fin de sa vie fût rongé par la jalousie de Wagner, je n'en doute point ; cela perce partout. Et sa critique de Wagner en général est mesquine, voit petit, n'est sensible qu'aux détails ; l'âme des choses lui échappe » ; cf. Romain Rolland, « Choix de lettres à Malwida von Meysenbug » in Cahiers Romain Rolland, n˚1, Paris, Albin Michel, 1948, p. 211. Cependant, il se montre progressivement plus critique à l'égard de Wagner et moins sévère à l'égard de Nietzsche. Comme l'a souligné René Cheval, Romain Rolland va se rapprocher peu à peu de Nietzsche ; cf. René Cheval, Romain Rolland, l'Allemagne et la guerre, Paris, PUF, 1963. Pour un examen plus spécifique de l'attitude de Romain Rolland à l'égard de Nietzsche, cf. René Cheval, « Rolland et Nietzsche », in Bulletin de l'Association des amis de Romain Rolland, n˚42, décembre 1957 et Aldo Venturelli, « Nietzsche in Rue d'Ulm », in Nietzsche. Cent ans de réception française, travaux réunis par Jacques Le Rider, Saint-Denis, Editions Suger, 1999, p. 81-95. Plus récemment: Thomas Franck, "De l'anti-moralisme pacifiste au matérialisme nihiliste. Sur quelques influences contradictoires de Nietzsche dans l’œuvre rollandienne", in Marina Ortrud M. Hertrampf (éd.), Romain Rolland, der Erste Weltkrieg und die deutschsprachigen Länder. Romain Rolland et les pays de langue allemande : connexions, perception, réception, Berlin, Frank und Timme, 2018. (actes d'une journée d'études organisée à Regensburg le 11 novembre 2017)
Lire: P. J. Jouve, Romain Rolland vivant 1914-1919 et Josepha Laroche, La conscience malheureuse comme mode d'action internationale. Le pacifisme de Romain Rolland.
Voir aussi, Romain Rolland, "Le grain de vie" in Mercure de France, 1er juin 1947, p. 201-213. (particulièrement p. 205-206)
ROLLAND Romain, « Richard Strauss », in Revue de Paris, tome 3, 15 juin 1899, p. 769-789.
Evoque Nietzsche (p. 772, 782-782 et 788).
ROLLAND Romain, "Siegfried", in Revue de Paris, volume 9, n˚1, 1er janvier 1902, p. 188-204.
Loue la santé extraordinaire de Siegfried et évoque Nietzsche, Le Cas Wagner (p. 191). Accepte les critiques de Tolstoï à l'égard de Wagner mais éprouve une "sensations pénible" en lisant les "ironies maladives et mauvaises de Nietzsche" qui a "du faire un effort pour ne pas comprendre Wagner" (p. 198-199).
ROLLAND Romain, « Vincent d’Indy », in Revue de Paris, tome 1, 15 janvier 1903, p. 401-420.
Voir Nietzsche, note 1, p. 412.
ROLLAND Romain, "Hugo Wolf", in Revue de Paris, tome 3, 15 mai 1905, p. 401-421.
Evoque la folie de Nietzsche (p. 416).
ROLLAND Romain, "Une fête musicale en Alsace-Lorraine", in Revue de Paris, tome 4, 1er juillet 1905, p. 134-152.
A propos d’une symphonie de Mahler, remarque que les paroles sont de Nietzsche (p. 144).
ROLLAND Romain, "Le centenaire de Richard Wagner", in Annales politiques et littéraires, n°1561, 25 mai 1913, p. 441-442.
Sur Nietzsche (p. 442).
ROLLAND Romain, "Wagner. Pages retrouvées", in Le Figaro, supplément littéraire du dimanche, n°24, 14 juin 1913, p. 2.
ROLLAND Romain, "Les idoles", in La Bataille syndicaliste, 3 janvier 1915, p. 1-2.
Contre ces "pauvres intellectuels". Ils "s'imaginent qu'avec leur étalage de Nietzschéisme et de Bismarckisme forcenés ils font de l'héroïsme et en imposent au monde! Ils ne font que le révolter. Ils veulent qu'on les croie ! On ne les croit que trop. On ne demande qu'à les croire. Et l'Allemagne tout entière sera rendue responsable du délire de quelques écrivains. L'Allemagne n'aura pas eu d'ennemis plus funestes que ses intellectuels. (p. 2).
Article nommé comme le seul article entier publié en France dans l'introduction de Au-dessus de la mêlée, Paris, Ollendorf, 1915, p. 2. L'article est reproduit dans cet ouvrage.
ROLLAND Romain, "lettre" in Les annales des nationalités, d'après "A travers la presse", in Le Journal, n°8182, 20 février 1915, p. 3.
Lettre à ses "amis" allemands sur qui Nietzsche "a laissé son empreinte" mais ne les a pas "marqués".
ROLLAND Romain, Au-dessus de la mêlée, Paris, Ollendorf, 1915.
Un exemplaire de 1915 porte la mention de 39ème édition.
Evocations de Nietzsche et du nietzschéisme. Note par exemple: (...) vous savez combien j'aime votre vieille Allemagne et tout ce que je lui dois. Je suis fils de Beethoven, de Leibnitz et de Goethe, au moins autant que vous. Mais à votre Allemagne d'aujourd'hui, dites-moi, que dois-je, que devons-nous, en Europe ? Quel art avez-vous bâti, depuis les monuments de Wagner, qui marquent la fin d'une époque et sont déjà du passé ? Quelle pensée neuve et forte, depuis la mort de Nietzsche, dont la géniale folie a par malheur laissé son empreinte sur vous, mais ne nous a pas marqués ? Où avons-nous cherché, depuis plus de quarante ans, notre nourriture d'esprit et notre pain de vie, lorsque notre grasse terre ne suffisait pas à satisfaire notre faim ? Qui ont été nos guides, sinon les écrivains russes ? Qui pouvez-vous opposer, Allemands, à ces colosses de génie poétique et de grandeur morale, Tolstoï, Dostoievsky? Ce sont eux qui m'ont fait mon âme; en défendant la race qui fut leur source, c'est ma dette que j'acquitte envers eux, envers elle. Le mépris que j'éprouve pour l'impérialisme prussien, — si je ne l'avais puisé dans mon cœur de Latin, — je l'eusse puisé en eux". (p. 41)