Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940
(Laure Verbaere et Donato Longo)
Théodule Ribot est élève de l'Ecole normale supérieure en 1862 et agrégé de philosophie en 1865. Docteur ès lettres avec une thèse sur l'hérédité psychologique et la psychologie associationniste de David Hartley, il est professeur de psychologie expérimentale à la Sorbonne de 1865 à 1889. En 1889, il obtient la chaire de psychologie expérimentale et comparée au Collège de France. En 1899, il est élu membre de l'Académie des sciences morales et politiques.
Jusqu'à sa mort, il est directeur de la Revue philosophique de la France et de l'étranger qu'il a fondée en 1876. A ce sujet, cf. Jacqueline Carroy Thirard, « La fondation de la Revue philosophique », in Revue philosophique, 101e année, n˚4, octobre-décembre 1976, p. 401-413 et Mara Meletti Bertolini, Il pensiero e la memoria. Filosofia e psicologia nella "Revue philosophique" di Théodule Ribot (1876-1916), Milan, Franco Angeli, 1991. A propos de Théodule Ribot, cf. Ludovic Dugas, La philosophie de Théodule Ribot, Paris, Payot, 1924 ; Centenaire de Th. Ribot. Jubilé de la psychologie scientifique française. 1839-1889-1939, Agen, Imprimerie moderne, 1939 ; Pierre Janet, « L’œuvre psychologique de Th. Ribot », in Journal de psychologie normale et pathologique, vol. XII, n˚4, juillet-août 1915 (mais publié en avril 1917), p. 268 sq. et Raymond Lenoir, « La psychologie de Ribot et la pensée contemporaine », in Revue de métaphysique et de morale, vol. XXVI, 1919, p. 739-763.
D'après Erich Lampl, Nietzsche aurait volontairement fait des emprunts à l’œuvre de Théodule Ribot pour favoriser l'introduction de son œuvre dans les années 1880; celui-ci ne s'en est visiblement jamais aperçu. En tout cas, il n'y a apparemment jamais fait allusion ; cf. Erich Lampl, Flair du livre : Friedrich Nietzsche und Théodule Ribot, Zurich, Verlag am Abgrund, 1988 et Erich Lampl, « Flair du livre : Friedrich Nietzsche und Théodule Ribot », in Nietzsche-Studien, vol. 18, 1989, p. 573-586.
RIBOT Théodule, « L’utilité sociale de l’art primitif », in Revue internationale de sociologie, 1896, p. 364-376.
Nietzsche cité (p. 373).
RIBOT Théodule, La psychologie des sentiments, Paris, Alcan, 1896.
Cite Nietzsche (p. 335).
RIBOT Th., "Enquête sur l'influence allemande. M. Th. Ribot", in Mercure de France, tome 44, n˚155, novembre 1902, p. 375-376.
"En ce qui concerne les études d'ordre philosophique, il est hors de doute que le grand mouvement qui a rempli presque tout le dix-neuvième siècle, de Kant à Hartmann, en passant par Schopenhauer, s'est arrêté depuis au moins vingt ans. Nietzsche, dont l'influence sur les contemporains est très grande, peut à peine compter pour un génie allemand : d'ailleurs c'est plutôt un penseur qu'un systématique" (p. 375).
RIBOT Th., « Dr F. Orestano. - Le idee fondamentali di F. Nietzsche nel loro progressivo svolgimento : esposizione e critica », {Analyses et comptes rendus. VI. Histoire de la philosophie}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 55, n˚4, avril 1903, p. 453-457.
RIBOT Théodule, La logique des sentiments, Paris, Alcan, 1905.
Cite et commente un passage de Nietzsche extrait de "Au delà du Bien et du Mal" (p. 113-114). Analyse le cas de Nietzsche: "On trouve dans la personne de Nietzsche un curieux exemple de conversion à la fois religieuse, morale et esthétique : les documents ne manqueraient pas pour l'étudier en détail. Il a passé d'un christianisme sincère à l'athéisme; de la morale commune à l'immoralisme, à la transmutation des valeurs et à la théorie du Surhomme; d'un wagnérisme fougueux à un antiwagnérisme intransigeant, de l'art « de la décadence » à l'art « apollinien »; sa conversion esthétique, à l'encontre des autres, s'est produite par une crise violente et s'est affirmée avec fracas. Il a traversé « une maladie » et « le plus grand événement de sa vie a été une guérison ». C'est un très bel exemple de logique complète, intégrale, à la fois rationnelle et affective. Tantôt sa pensée est systématique, sa dialectique serrée. Tantôt le raisonnement, mû uniquement par les secousses de l'émotion ou le cours irrésistible de la passion, dégénère en injures. La contradiction dans son œuvre est celle des deux logiques : l'affective l'emporte, et on sait qu'elle ignore les contradictions." (p. 88)
RIBOT Théodule, Essai sur les passions, Paris, Alcan, 1907.
Se sert de l'expression "volonté de puissance", et de l'expression "généalogie des passions".
Difficile de croire qu'il ne pense pas à Nietzsche quand il écrit dans la conclusion:
"Pour le psychologue, les grands passionnés sont des héros à leur manière, fascinés et possédés par leur idéal, entraînés par lui jusqu'à la mort; c'est pourquoi
les grandes passions s'imposent à l'admiration des hommes comme les grandes forces de la nature 1.
(...)
1. Il n'y a pas lieu de discuter ici leur valeur morale et sociale. " (p. 184)
RIBOT Th., "L'antipathie : étude psychologique", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 66, n°11, novembre 1908, p. 498-527.
Soutient l'idée qu'il existe des antipathies innées et d'autres acquises. Propose des exemples de "marche progressive vers l'antipathie totale" en remarquant qu'elle "s'affirme encore plus nettement dans les cas où la sympathie (au sens d'affection bienveillante) se transforme en antipathie. Prend alors l'exemple de Nietzsche : Qu'on relise dans l'œuvre de Nietzsche le fragment intitulé "Le cas Wagner", on verra la disposition sympathique (amitié, admiration), se changer peu à peu en son contraire : l'antipathie esthétique, philosophique, morale, religieuse et finalement personnelle." (p. 512)